Bien qu’un diplôme de l’une des écoles d’administration provinciales, régionales ou fédérales ait été obligatoire pour faire acte de candidature à toutes les fonctions publiques, les chefs progressistes de cette nation découvrirent un sérieux défaut dans leur plan de suffrage universel. Il y a environ cinquante ans, ils prirent des dispositions constitutionnelles pour adopter un mode de scrutin modifié comportant les caractéristiques suivantes :
1. Chaque homme et chaque femme de vingt ans et plus dispose d’une voix. Quand ils atteignent cet âge, tous les citoyens doivent accepter d’appartenir à deux groupes d’électeurs : ils s’inscrivent au premier selon leur fonction économique – industrielle, libérale, agricole ou commerciale ; ils entrent dans le second selon leurs inclinations politiques, philosophiques et sociales. Tous les travailleurs appartiennent ainsi à un groupe électoral économique. À l’instar des associations non économiques, ces corporations ont des règlements très semblables à ceux du gouvernement national avec sa triple division des pouvoirs. L’inscription à un groupe ne peut plus être changée pendant douze ans.
2. Sur la proposition des gouverneurs des États ou des chefs exécutifs régionaux, et sur confirmation des conseils régionaux suprêmes, les personnes qui ont rendu de grands services à la société, ou fait preuve d’une sagesse extraordinaire au service du gouvernement, peuvent recevoir un droit de vote additionnel, mais pas plus souvent que tous les cinq ans, et sans dépasser neuf voix additionnelles. Le suffrage maximum d’un électeur à vote multiple est donc de dix voix. De même, les savants, les inventeurs, les éducateurs, les philosophes et les chefs spirituels sont ainsi reconnus et honorés d’un pouvoir politique accru. Ces privilèges civiques élevés sont conférés par les conseils suprêmes des États et des régions d’une manière très semblable aux diplômes offerts par les écoles spéciales. Les bénéficiaires sont fiers de joindre ces symboles de reconnaissance civique, à côté de leurs autres diplômes, à la liste de leurs accomplissements personnels.
3. Tous les individus condamnés au travail obligatoire dans les mines et tous les fonctionnaires payés par le revenu des impôts perdent leur droit de vote pendant la période où ils exécutent ces services. Cette disposition ne s’applique pas aux personnes âgées qui reçoivent une pension après avoir pris leur retraite à soixante-cinq ans.
4. Il y a cinq échelons de suffrage traduisant la moyenne des impôts annuels payés durant chaque période quinquennale. Les gros contribuables reçoivent un droit de vote supplémentaire allant jusqu’à cinq voix. Cette concession est indépendante de toute autre reconnaissance, mais en aucun cas un électeur ne dispose de plus de dix voix.
5. Au moment où l’on adopta ce plan électoral, la méthode territoriale de vote fut abandonnée en faveur du système fonctionnel ou économique. Tous les citoyens votent maintenant en tant que membres de groupes industriels, sociaux ou professionnels, indépendamment de leur résidence. Le corps électoral est donc composé de groupes intégrés, unifiés et intelligents qui élisent seulement leurs meilleurs membres aux postes gouvernementaux de confiance et de responsabilité. Ce plan de suffrage fonctionnel ou collectif comporte une exception : l’élection d’un chef exécutif fédéral tous les six ans s’effectue par un vote national où nul citoyen ne dispose de plus d’une voix.
Ainsi, sauf dans l’élection du chef exécutif, le suffrage est exercé par des groupements économiques, professionnels, intellectuels et sociaux de citoyens. L’État idéal est organique, et chaque groupe libre et intelligent de citoyens représente un organe vital et fonctionnel à l’intérieur du plus grand organisme gouvernemental.
Les écoles d’administration ont le pouvoir d’engager une action devant les tribunaux d’État pour faire retirer le droit de vote à tout individu taré, oisif, apathique ou criminel. Ces gens reconnaissent que, si une nation a cinquante pour cent d’éléments inférieurs ou dégénérés possédant le droit de vote, elle est condamnée à périr. Ils croient que la domination de la médiocrité provoque l’effondrement de n’importe quelle nation. Le vote est obligatoire, et les électeurs qui ne déposent pas leur bulletin sont frappés de lourdes amendes.