Matthieu, le septième apôtre, fut choisi par André. Matthieu appartenait à une famille de collecteurs d’impôts, ou publicains ; il était lui-même receveur des douanes à Capharnaüm, où il habitait. Il avait trente-et-un ans, était marié et avait quatre enfants. Il possédait une petite fortune et se trouvait le seul membre du corps apostolique disposant de quelques ressources. Il était un homme d’affaires capable, s’adaptant bien à tous les milieux sociaux, il était doué de l’aptitude à se faire des amis et à bien s’entendre avec toutes sortes de personnes.
André nomma Matthieu agent financier des apôtres. Il était en quelque sorte le gérant et le publiciste de l’organisation apostolique. Il était un bon juge de la nature humaine et un propagandiste très efficace. Il est difficile de se faire une idée de sa personnalité, mais il était un disciple très sincère. Il crut de plus en plus à la mission de Jésus et à la certitude du royaume. Jésus ne donna jamais de surnom à Lévi, mais les apôtres l’appelaient communément « le collecteur d’argent ».
Le point fort de Lévi était sa dévotion de tout cœur à la cause. Le fait que lui, un publicain, ait été enrôlé par Jésus et ses apôtres suscita une reconnaissance débordante chez l’ancien collecteur de taxes. Il fallut toutefois un peu de temps au reste des apôtres, surtout à Simon Zélotès et à Judas Iscariot, pour admettre la présence du publicain parmi eux. La faiblesse de Matthieu était sa conception matérialiste et à courte vue de la vie, mais, à mesure que les mois s’écoulaient, il fit de grands progrès dans ce domaine. Bien entendu, il était obligé de manquer un grand nombre des séances d’instruction les plus précieuses puisqu’il avait la charge d’alimenter la trésorerie.
C’était la disposition au pardon que Matthieu appréciait le plus chez le Maitre. Matthieu ne cessait de répéter que la foi seule est nécessaire dans l’affaire de trouver Dieu. Il aimait toujours à parler du royaume comme de « cette affaire de trouver Dieu ».
Bien que Matthieu fût un homme ayant un passé de publicain, il s’acquitta admirablement de sa tâche et, le temps s’écoulant, ses compagnons s’enorgueillirent des accomplissements du publicain. Il fut l’un des apôtres qui prirent d’amples notes sur l’enseignement de Jésus. Ces notes servirent plus tard de base à la rédaction par Isadore des paroles et actes de Jésus, ultérieurement connue sous le nom d’Évangile selon Matthieu.
La grande et utile vie de Matthieu, l’homme d’affaires et le receveur des douanes de Capharnaüm, a servi à amener des milliers et des milliers d’autres hommes d’affaires, de fonctionnaires et de politiciens, durant les âges subséquents, à entendre aussi la voix engageante du Maitre disant : « Suis-moi. » Matthieu était réellement un habile politicien, mais il était intensément fidèle à Jésus et suprêmement dévoué à la tâche de veiller à ce que les messagers du royaume à venir disposent des ressources financières appropriées.
La présence de Matthieu parmi les douze fut le moyen de garder les portes du royaume grandes ouvertes pour une foule d’âmes découragées et déshéritées qui s’étaient considérées depuis longtemps comme exclues de la consolation religieuse. Des hommes et des femmes rejetés et désespérés s’attroupaient pour entendre Jésus, qui n’en repoussa jamais aucun.
Matthieu recevait des dons librement offerts par des disciples croyants et des auditeurs directs de l’enseignement du Maitre, mais il ne sollicita jamais ouvertement la contribution des foules. Il accomplit tout son travail financier d’une manière tranquille et personnelle, et se procura la majeure partie de l’argent parmi la classe relativement aisée des croyants engagés. Il consacra pratiquement la totalité de sa modeste fortune au travail du Maitre et de ses apôtres, mais ils ne connurent jamais sa générosité, sauf Jésus qui était au courant de tout. Matthieu hésitait à contribuer ouvertement aux fonds apostoliques, de crainte que Jésus et ses collaborateurs ne risquent de considérer son argent comme souillé ; en conséquence, il fit beaucoup de dons au nom d’autres croyants. Durant les premiers mois, alors que Matthieu se rendait compte que sa présence parmi les apôtres était plus ou moins une épreuve, il fut fortement tenté de leur faire savoir que leur pain quotidien était bien souvent acheté de ses propres deniers. Mais il ne céda pas à cette tentation. Quand la preuve du dédain pour le publicain devenait manifeste, Lévi brulait de leur révéler sa générosité, mais il parvint toujours à garder le silence.
Quand les fonds pour la semaine étaient insuffisants pour le budget prévu, Lévi avait souvent recours à ses ressources personnelles pour des montants importants. Parfois aussi, lorsqu’il prenait un grand intérêt aux enseignements de Jésus, il préférait rester là et écouter ses leçons, même en sachant qu’il lui faudrait compenser personnellement les fonds nécessaires qu’il n’était pas allé solliciter. Mais Lévi souhaitait tellement que Jésus sache qu’une bonne part de l’argent sortait de sa propre poche ! Il ne réalisait guère que le Maitre était au courant de tout. Les apôtres moururent tous sans savoir que Matthieu avait été leur bienfaiteur dans une mesure telle qu’au moment où il partit proclamer l’évangile du royaume après le commencement des persécutions, il était pratiquement sans ressources.
Quand les persécutions amenèrent les croyants à quitter Jérusalem, Matthieu se dirigea vers le nord, prêchant l’évangile du royaume et baptisant les croyants. Ses anciens associés apostoliques perdirent le contact avec lui, mais il continua à prêcher et à baptiser en Syrie, en Cappadoce, en Galatie, en Bithynie et en Thrace. Ce fut en Thrace, à Lysimachie, que certains Juifs incroyants conspirèrent avec les soldats romains pour consommer sa mort. Ce publicain régénéré mourut triomphant dans la foi d’un salut qu’il avait acquis avec tant de certitude des enseignements du Maitre durant son récent séjour sur terre.