[Alors que l’enseignement du Maitre concernant la souveraineté de Dieu est une vérité – mais compliquée par l’apparition subséquente d’une religion à propos de lui parmi les religions du monde – par contre, ses exposés concernant la souveraineté politique sont immensément compliqués par l’évolution de la politique de la vie des nations durant les dix-neuf derniers siècles. À l’époque de Jésus, il n’y avait que deux grandes puissances mondiales – l’Empire Romain en Occident et l’Empire de Han en Orient – et elles étaient largement séparées par le royaume des Parthes et par d’autres contrées interposées des régions de la Caspienne et du Turkestan. Dans l’exposé qui suit, nous nous sommes donc écartés davantage de la substance des enseignements du Maitre à Urmia concernant la souveraineté politique ; en même temps, nous nous sommes efforcés de décrire l’importance de ces enseignements tels qu’ils sont applicables au stade particulièrement critique de l’évolution de la souveraineté politique au vingtième siècle après le Christ.]
La guerre sur Urantia ne prendra jamais fin tant que les nations s’attacheront à la notion illusoire de souveraineté nationale illimitée. Il n’existe que deux niveaux de souveraineté relative sur un monde habité : le libre arbitre spirituel de chaque individu mortel et la souveraineté collective de l’ensemble de l’humanité. Entre le niveau de l’être humain individuel et celui de l’humanité en bloc, tous les groupements et associations sont relatifs, transitoires et n’ont de valeur que dans la mesure où ils accroissent le bonheur, le bien-être et le progrès des individus et du grand ensemble planétaire – de l’homme et de l’humanité.
Les éducateurs religieux ne doivent jamais oublier que la souveraineté spirituelle de Dieu l’emporte sur tous les loyalismes spirituels intermédiaires et interposés. Les dirigeants civils apprendront, un jour, que les Très Hauts règnent dans les royaumes des hommes.
Ce règne des Très Hauts dans les royaumes des hommes n’est pas établi au bénéfice spécial d’un groupe de mortels particulièrement favorisés. Il n’y a nulle part de « peuple élu ». Le règne des Très Hauts, des supercontrôleurs de l’évolution politique, est destiné à promouvoir, parmi tous les hommes, le plus grand bien pour le plus grand nombre et pour une durée aussi longue que possible.
La souveraineté est le pouvoir ; elle grandit par organisation. La croissance de l’organisation du pouvoir politique est bonne et souhaitable, car elle tend à englober des secteurs toujours plus vastes de l’ensemble de l’humanité. Mais cette même croissance des organisations politiques crée un problème à chaque stade intermédiaire entre l’organisation initiale et naturelle du pouvoir politique – la famille – et le couronnement final de la croissance politique – le gouvernement de toute l’humanité par toute l’humanité et pour toute l’humanité.
Partant du pouvoir parental dans le groupe familial, la souveraineté politique évolue par organisation à mesure que les familles s’imbriquent en clans consanguins qui s’unissent, pour diverses raisons, en unités tribales – en groupements politiques superconsanguins. Ensuite, par le négoce, le commerce et la conquête, les tribus s’unifient en une nation, tandis que les nations elles-mêmes sont parfois unifiées en un empire.
À mesure que la souveraineté passe des petits groupes à des collectivités plus vastes, les guerres se font plus rares. Nous voulons dire que les guerres mineures entre petites nations diminuent, mais le potentiel des grandes guerres s’accroit à mesure que les nations exerçant la souveraineté deviennent de plus en plus grandes. Bientôt, quand le monde entier aura été exploré et occupé, quand les nations seront peu nombreuses, fortes et puissantes, quand ces grandes nations se prétendant souveraines en viendront à posséder des frontières communes, quand elles ne seront séparées que par les océans, alors la scène sera prête pour des guerres majeures, des conflits mondiaux. Les nations dites souveraines ne peuvent se coudoyer sans engendrer des conflits et provoquer des guerres.
La difficulté pour faire évoluer la souveraineté politique depuis la famille jusqu’à l’humanité entière réside dans l’inertie-résistance rencontrée à tous les niveaux intermédiaires. À l’occasion, des familles ont défié leur clan et, de leur côté, des clans et des tribus ont souvent refusé de se soumettre à la souveraineté de l’État territorial. Chaque nouveau progrès évolutif de la souveraineté politique est (et a toujours été) embarrassé et gêné par les « stades d’échafaudage » des développements antérieurs de l’organisation politique. Cela est vrai parce que les loyalismes humains, une fois mobilisés, sont difficiles à modifier. Le même loyalisme qui rend possible l’évolution de la tribu rend difficile l’évolution de la « supertribu » – l’État territorial. Et le même loyalisme (le patriotisme) qui rend possible l’évolution de l’État territorial complique immensément le développement évolutionnaire du gouvernement de l’ensemble de l’humanité.
La souveraineté politique est créée grâce à l’abandon de l’autodétermination, d’abord par l’individu à l’intérieur de la famille, et ensuite par les familles et clans par rapport à la tribu et aux collectivités plus étendues. Ce transfert progressif de l’autodétermination à des organisations politiques toujours plus vastes s’est généralement poursuivi sans répit en Orient depuis l’établissement des dynasties Ming et Mogol. En Occident, il a prévalu, pendant plus de mille ans, jusqu’à la fin de la guerre mondiale ; un malencontreux mouvement rétrograde inversa ensuite temporairement cette tendance normale en rétablissant la souveraineté politique effondrée de nombreuses petites collectivités européennes.
Urantia ne jouira pas d’une paix durable avant que les nations dites souveraines ne remettent intelligemment et pleinement leurs pouvoirs souverains à la fraternité des hommes – au gouvernement de l’humanité. L’internationalisme – les ligues des nations – est impuissant à amener une paix permanente parmi les hommes. Les confédérations mondiales de nations empêcheront efficacement les guerres mineures et contrôleront acceptablement les petites nations, mais elles ne réussiront ni à empêcher les guerres mondiales, ni à contrôler les trois, quatre ou cinq gouvernements les plus puissants. En face de conflits réels, l’une de ces puissances mondiales se retirera de la Ligue et déclarera la guerre. On ne peut empêcher les nations de se lancer dans la guerre tant qu’elles restent contaminées par le virus illusoire de la souveraineté nationale. L’internationalisme est un pas dans la bonne direction. Une force de police internationale empêchera bien des guerres mineures, mais elle sera inefficace pour empêcher les guerres majeures, les conflits entre les grands gouvernements militaires de la terre.
À mesure que décroit le nombre des nations vraiment souveraines (des grandes puissances), l’opportunité et le besoin d’un gouvernement de l’humanité s’accroissent. Quand il n’y aura plus que quelques puissances réellement souveraines (grandes), il faudra soit qu’elles s’embarquent dans une lutte à mort pour la suprématie nationale (impériale), soit qu’en abandonnant volontairement certaines prérogatives de souveraineté, elles créent le noyau essentiel d’un pouvoir supranational qui servira de commencement à la souveraineté réelle de toute l’humanité.
La paix ne viendra pas sur Urantia avant que chaque nation dite souveraine n’abandonne son pouvoir de faire la guerre entre les mains d’un gouvernement représentatif de toute l’humanité. La souveraineté politique est innée chez les peuples du monde. Quand tous les peuples d’Urantia créeront un gouvernement mondial, ils auront le droit et le pouvoir de le rendre SOUVERAIN. Et, quand une telle puissance mondiale représentative ou démocratique contrôlera les forces terrestres, aériennes et navales du monde, la paix sur terre et la bonne volonté parmi les hommes pourront prévaloir – mais pas avant cela.
Citons un exemple marquant du dix-neuvième et du vingtième siècle. Les quarante-huit États de l’Union fédérale américaine jouissent de la paix depuis longtemps. Ils n’ont plus de guerres entre eux. Ils ont abandonné leur souveraineté au gouvernement fédéral et, par la force des armes, ils ont renoncé à toute prétention aux illusions de l’autodétermination. Chaque État règle ses affaires intérieures, mais ne s’occupe pas des affaires étrangères, des tarifs de douane, de l’immigration, des questions militaires, ni du commerce entre États. Les États individuels ne s’occupent pas non plus des questions de citoyenneté. Les quarante-huit États ne souffrent des ravages de la guerre que si la souveraineté du gouvernement fédéral est soumise à quelque danger.
Ayant abandonné les sophismes jumeaux de la souveraineté et de l’autodétermination, ces quarante-huit États jouissent entre eux de la paix et de la tranquillité. De même, les nations d’Urantia commenceront à jouir de la paix quand elles abandonneront librement leurs souverainetés respectives entre les mains d’un gouvernement global – la souveraineté de la fraternité des hommes. Dans ces conditions mondiales, les petites nations seront aussi puissantes que les grandes, de même que le petit État de Rhode Island a ses deux sénateurs au congrès américain exactement comme l’État populeux de New York ou le vaste État du Texas.
La souveraineté (d’État) limitée de ces quarante-huit États fut créée par les hommes et pour les hommes. La souveraineté superétatique (nationale) de l’Union fédérale américaine fut créée par les treize premiers de ces États dans leur propre intérêt et dans l’intérêt des hommes. Un jour, la souveraineté supranationale du gouvernement planétaire de l’humanité sera créée d’une manière similaire par des nations dans leur propre intérêt et dans l’intérêt de tous les hommes.
Les citoyens ne naissent pas dans l’intérêt des gouvernements ; ce sont les gouvernements qui sont créés et établis dans l’intérêt des hommes. L’évolution de la souveraineté politique ne saurait avoir fin avant l’apparition du gouvernement de la souveraineté de tous les hommes. Toutes les autres souverainetés ont des valeurs relatives, des significations intermédiaires et un statut subordonné.
Avec le progrès scientifique, les guerres vont devenir de plus en plus dévastatrices jusqu’à équivaloir presque à un suicide racial. Combien faudra-t-il faire de guerres mondiales, et combien faudra-t-il voir échouer de ligues des nations avant que les hommes soient disposés à établir le gouvernement de l’humanité, à commencer à jouir des bénédictions d’une paix permanente et à prospérer grâce à la tranquillité due à la bonne volonté – la bonne volonté mondiale – parmi les hommes ?