Nabon était un Juif grec tenant le premier rang parmi les chefs du principal culte des mystères à Rome, le culte mithriaque. Ce grand-prêtre eut de nombreux entretiens avec le scribe de Damas, mais ce fut la discussion qu’ils eurent, un soir, sur la vérité et la foi qui exerça sur lui l’influence la plus durable. Nabon avait songé à convertir Jésus et lui avait même suggéré de retourner en Palestine comme éducateur mithriaque. Il ne se doutait guère que Jésus le préparait à devenir l’un des premiers convertis à l’évangile du royaume. Voici, transcrite en terminologie moderne, la substance de l’enseignement de Jésus :
La vérité ne peut se définir par des mots, mais seulement en la vivant. La vérité est toujours plus que la connaissance. La connaissance concerne les choses observées, mais la vérité transcende ces niveaux purement matériels, en ce sens qu’elle s’allie à la sagesse et englobe des impondérables tels que l’expérience humaine, et même les réalités spirituelles et vivantes. La connaissance prend origine dans la science ; la sagesse, dans la vraie philosophie ; la vérité, dans l’expérience religieuse de la vie spirituelle. La connaissance traite des faits ; la sagesse traite des relations ; la vérité traite des valeurs de la réalité.
L’homme tend à cristalliser la science, à formuler la philosophie et à dogmatiser la vérité, parce qu’il fait montre de paresse mentale dans l’adaptation aux luttes progressives pour la vie, et qu’il a aussi terriblement peur de l’inconnu. L’homme est naturellement lent à inaugurer des changements dans ses habitudes de pensée et dans ses techniques de vie.
La vérité révélée, la vérité découverte personnellement, est la suprême volupté de l’âme humaine. Elle est la création conjointe du mental matériel et de l’esprit intérieur. Le salut éternel d’une âme qui discerne la vérité et aime la beauté est assuré par cette faim et cette soif de bonté qui conduisent ce mortel à se proposer un but unique, celui de faire la volonté du Père, de trouver Dieu et de devenir semblable à lui. Il n’y a jamais de conflit entre la véritable connaissance et la vérité. Il peut y avoir conflit entre la connaissance et les croyances humaines, les croyances teintées de préjugés, déformées par la peur et dominées par la crainte d’affronter de nouveaux faits dans les découvertes matérielles ou les progrès spirituels.
Cependant, jamais l’homme ne peut posséder la vérité sans exercer sa foi. Ceci est vrai parce que les pensées, la sagesse, l’éthique et les idéaux d’un homme ne peuvent jamais s’élever plus haut que sa foi, son espoir sublime. Et toute véritable foi de cette sorte est basée sur une réflexion profonde, sur une autocritique sincère et sur une conscience morale intransigeante. La foi est l’inspiration de l’imagination créatrice imprégnée de l’esprit.
La foi agit pour libérer les activités suprahumaines de l’étincelle divine, le germe immortel qui vit dans le mental humain et qui est le potentiel de survie éternelle. Les plantes et les animaux survivent dans le temps par la technique consistant à transmettre, d’une génération à la suivante, des particules identiques d’eux-mêmes. L’âme humaine (la personnalité) survit à la mort du corps par association d’identité avec cette immortelle étincelle intérieure de divinité, qui agit pour perpétuer la personnalité humaine sur un niveau supérieur de continuité d’existence universelle et progressive. Le germe caché de l’âme humaine est un esprit immortel. La seconde génération de l’âme est la première des manifestations successives de la personnalité dans des existences spirituelles et progressives qui ne prennent fin qu’au moment où l’entité divine atteint la source de son existence, la source personnelle de toute existence, Dieu, le Père Universel.
La vie humaine continue – survit – parce qu’elle a une fonction dans l’univers, la tâche de trouver Dieu. Animée par la foi, l’âme de l’homme ne peut s’arrêter avant d’avoir atteint ce but de la destinée et, quand elle a atteint ce but divin, elle ne peut plus prendre fin, car elle est devenue semblable à Dieu – éternelle.
L’évolution spirituelle est une expérience du choix croissant et volontaire de la bonté, accompagnée d’une diminution égale et progressive de la possibilité du mal. Quand on a atteint la finalité du choix de la bonté et la pleine capacité d’apprécier la vérité, il nait une perfection de beauté et de sainteté dont la droiture inhibe éternellement même la possibilité de l’émergence du concept du mal potentiel. L’âme qui connait ainsi Dieu ne projette aucune ombre de mal qui sème le doute quand elle opère sur un niveau d’esprit aussi élevé de divine bonté.
La présence de l’esprit du Paradis dans le mental de l’homme constitue la promesse de révélation et l’engagement de foi d’une existence éternelle de progression divine pour toute âme cherchant à atteindre l’identité avec ce fragment d’esprit, immortel et intérieur du Père Universel.
La caractéristique du progrès dans l’univers est une liberté croissante de la personnalité, parce que cette liberté est associée au franchissement progressif de niveaux de plus en plus élevés de compréhension de soi, et de maitrise de soi volontaire qui en est la conséquence. L’atteinte de la perfection dans la maitrise spirituelle de soi équivaut au parachèvement de la liberté dans l’univers et de la liberté personnelle. La foi nourrit et maintient l’âme de l’homme au milieu de la confusion de son orientation initiale dans un univers aussi vaste. Quant à la prière, elle devient la grande unificatrice des diverses inspirations provenant de l’imagination créatrice et des impulsions de foi d’une âme essayant de s’identifier avec les idéaux spirituels de la divine présence intérieure et associée.
Nabon fut grandement impressionné par ces paroles, comme il l’était d’ailleurs par chacun de ses entretiens avec Jésus. Ces vérités continuèrent à bruler dans son cœur, et Nabon fut d’un grand secours pour ceux qui vinrent plus tard prêcher l’évangile de Jésus.